Pourquoi l’ingénieur.e startuper n’a plus grand-chose en commun
avec son « ancêtre » le Directeur.trice d’Usine ?
(Oct. 2019)

Jusque dans les années 1990 – 2000, l’une des voies royales pour les jeunes ingénieur.e.s consistait à devenir Directeur.trice d’Usine d’une grande entreprise industrielle. Aujourd’hui, intégrer une startup technologique est devenu le nouveau Graal pour toute une génération de diplômé.e.s.

A vite y regarder, le béotien affirmera qu’un.e ingénieur.e reste un.e ingénieur.e… Si les fondamentaux de la formation demeurent, les soft skills attendues dans un cas ou dans l’autre sont très différents, du fait de contraintes diamétralement opposées de l’environnement.

Le/la Directeur.trice d’usine a vocation à assurer la reproduction à l’identique d’une pièce ou d’un système à un niveau de qualité, coût, délai strictement prédéfinie grâce à des hypothèses stables.

L’ingénieur.e startuper, en fonction de son rôle exact, devra apporter méthodologie et rigueur à une démarche de production ou de vente dans un environnement hautement évolutif.

De manière schématique, il est possible de comparer les comportements clés suivants :

Comportement Directeur d’Usine Objectif visé Startuper Objectif visé
Leadership Directif Application de règles connues Participatif Développement de l’autonomie pour faire face à l’imprévu
Communication Top / down Transmission des informations nécessaires Transversale Donner du sens à l’action
Ouverture à la critique Limitée Donner confiance dans « l’infaillibilité » du chef Forte Apprentissage permanent par la culture du feedback
Sens de l’organisation Forte La rigueur de l’application des process est gage de réussite Souple S’adapter à un environnement hyper-mobile
Créativité Faible Utilisation des outils qui ont fait leur preuve Forte L’innovation permanente est un facteur clé de succès

Ces 2 profils, dans leur version la plus pure, correspondent à des personnalités diamétralement opposées. Dans la réalité, les portraits tracés par l’évaluation sont nuancés : juger de l’adaptation d’une personnalité à un poste prend en compte le positionnement pour chaque trait comportemental observé mais aussi la capacité d’adaptation probable. En effet, adapter ses comportements pour faire face à ses contraintes professionnelles de manière plus efficace est possible. Les ingrédients de la réussite sont le niveau de conscience de soi et la volonté de s’ouvrir à un travail  de développement personnel.

Sincérité in business (fév. 2019)

Sincérité et business… Ces 2 mots mis côte à côte semblent incongrus, tant la réputation du milieu des affaires véhicule l’image de relations fausses et manipulatoires. En France particulièrement, l’entreprise et le commerce ont mauvaise presse. Pourquoi en est-il ainsi alors que, par ailleurs, toute transaction réussie semble impliquer la confiance réciproque entre acheteur et vendeur ?

Probablement, en des temps plus anciens, certains vendeurs ambulants qui sillonnaient le pays pouvaient se permettre de vendre des produits de qualité douteuse dans l’idée qu’ils ne reverraient jamais leur client d’un jour. Leur bagout leur permettait alors de lever les doutes de “prospects” méfiants. Ceci-dit, on peut penser que la majorité d’entre eux, espérant bien ne pas devoir errer de ville en ville pour échapper à leur propre réputation, garantissaient leurs produits en toute sincérité !

Aujourd’hui, a fortiori, la complexité croissante des offres de produits et services aurait dû faire émerger des relations de haute sincérité entre acheteurs et vendeurs, propices à rassurer le futur client, au-delà de sa compréhension technique des arguments présentés. Ne rêvons pas, la puissance commerciale des grandes marques s’est d’abord construite sur une promesse marketing et publicitaire visant plus à séduire qu’à convaincre. Les forces commerciales en sont bien souvent réduites à présenter des offres préformatées, qu’elles n’ont pas contribué à construire, puis à en assurer le premier niveau de SAV, quand lesdites offres s’avèrent inadaptées ou défectueuses. Rien qui pousse à beaucoup de sincérité avant l’acte de vente !

Et pourtant, en termes de communication interpersonnelle, la sincérité peut être un puissant mécanisme d’ajustement, si elle est mise en œuvre avec doigté. En effet, la subtilité de l’exercice consiste à délivrer un message sous une forme “entendable” sans en dénaturer la sincérité de fond. Ainsi, dans la relation de prospection, le développement d’une “sincérité bienveillante” permet de limiter la déperdition de temps et d’énergie – du prospect autant que du vendeur – en surmontant les limites des règles de politesse. L’expression claire des intentions du vendeur et des objections du prospect, densifie la communication commerciale et lui confère une grande efficacité. Pour atteindre cet objectif, les 2 acteurs devront apprendre à reconnaître les peurs inconscientes qui les influencent : peur d’être rejeté par l’un, peur d’être agressé par l’autre en cas de refus. Le jeu de dupe se voit remplacer par un dialogue objectivé permettant d’évaluer l’opportunité de poursuivre – ou non – la relation.

Dans la sphère du management, l’expression de feedbacks sous un mode de “sincérité bienveillante” est un des outils clés de la prise de conscience, première étape du développement personnel. Au niveau collectif, développer cette pratique peut contribuer à limiter le conformisme social, ce réflexe inconscient de soumission à l’autorité qui bride l’émergence de la pensée singulière. Bien sûr, favoriser cette expression individuelle, plus libre, plus originale, nécessitera un climat de confiance où le droit à l’erreur est le corollaire de la prise de risque.

Il est clair que le développement de la “sincérité in business” requiert une lucidité comportementale qui ne se décrète pas, ni ne se met en œuvre du jour au lendemain. En revanche, l’expérience prouve que la démarche de connaissance de soi, une fois enclenchée, ne s’interrompt plus. Comme souvent c’est le premier pas qui coûte le plus…

Redonnons sens au travail (sept. 2018)

J’ai eu la chance et le plaisir d’animer une conférence aux côtés de Monique CASTILLO, Philosophe, Conférencière et Professeur d’université, lors d’une rencontre du groupe ANDRH Paris XVI le 17 mai 2018. Voici la retranscription de mon intervention :
La complexification de l’environnement économique mondialisé exerce une pression croissante sur les entreprises et leurs équipes. La PERTE DU SENS DE L’ACTION en aggrave la perception négative.

POURQUOI ?

  • La fragilisation des institutions traditionnelles (famille, école, état, religion, etc.) a ébranlé le socle des valeurs collectives. On attend de l’entreprise qu’elle fixe un nouveau cadre. Cette mission nouvelle bien souvent lui échappe.
  • Depuis le début du siècle, la course à la taille, avec des fusions au forceps, a souvent écrasé la performance individuelle, donnant l’illusion qu’il est possible de faire l’entreprise sans ses salariés.
  • L’accélération du progrès technologique et la virtualisation de la communication modifie radicalement les relations humaines dans l’entreprise en isolant les individus.
  • La puissance financière des grandes entreprises fait peser une pression énorme sur l’ego des dirigeants. Certains sacrifient leur intégrité et leurs valeurs collectives pour l’illusion d’une rémunération et d’un pouvoir sans limite.

DES RÉPONSES POSSIBLES :

  • RELATIVISER LA PRESSION D’AGIR : la prise de recul devient un acte de management. Mettre en conscience les fragilités du “règne” de l’humanité (dérèglement climatique, fragilisation des grandes démocraties, montée du protectionnisme, risque financier systémique, disparition possible de très grandes entreprises), est un moyen paradoxal de renforcer l’engagement. En réduisant l’épuisement opérationnel du quotidien, la prise de conscience de nos limites humaines recrée les fondements nécessaires à l’efficacité.
  • LAISSER DIRIGER LES PLUS «COMPÉTENTS» : trop souvent les processus de repérage, développement et nomination des hauts potentiels sont invalidés par les dirigeants eux- mêmes, quand il s’agit de pourvoir des postes clés. Le risque est alors qu’ils choisissent des équipiers pour leur fidélité voire leur docilité plutôt que pour leurs compétences élevées, celles indispensables pour challenger le statu quo et conduire les ruptures stratégiques salvatrices.
  • INNOVER SUR LES ORGANISATIONS : les organisations traditionnelles, pyramidales ou matricielles, sont largement rejetées par les jeunes talents qui plébiscitent les organisations informelles des startups. Même s’ils se retrouvent souvent rattrapés par les enjeux de pouvoir induits par la croissance rapide, ce mouvement majeur ne saurait être négligé. De nombreuses innovations sont expérimentées dans le courant des organisations libérées (cf. «Reinventing Organizations» par Frédéric LALOUX) : pouvoir redonné à des équipes opérationnelles autonomes, disparition des fonctions, réunions a minima, décisions par sollicitations d’avis, etc. La question centrale demeure celle du partage du pouvoir…
  • DÉVELOPPER LES COMPORTEMENTS : ces organisations innovantes ne sauraient fonctionner sans un changement majeur des comportements individuels et collectifs. Les travaux de Will SCHUTZ dans «Profonde Simplicité» proposent une expérience passionnante pour revenir à l’essentiel d’une relation humaine moderne après en avoir intégré toute la complexité. Les acteurs sont appelés à développer la conscience d’eux-même en prenant la responsabilité de leur vie par leurs choix et en développant la sincérité. Cette densification de la relation permet d’accéder aux sujets masqués souvent tabous, matière des dysfonctionnements humains et de leur réparation.

CONCLUSION :

Développer le sens du travail passe par le PROJET CONCRET DE REMETTRE L’HUMAIN AU CŒUR DES ENTREPRISES. Pour ce faire, l’engagement des DRH comme catalyseur du changement est un facteur clé de succès.